i La mentalité basée sur le rapport de force
Dans le cadre des rapports de force explicites et reconnus dans les relations telles que : le patron avec son employé, le parent ou l'enseignant avec l'enfant, le policier, le juge ou l'élu avec le citoyen ; bien souvent, des règles claires définissent quels sont les pouvoirs des uns et les droits et devoirs des autres. Avec parfois aussi des règles évoquant un contre-pouvoir afin d’éviter les abus. Ces rapports de force s’ils sont sains, sont en général bien vécus, et permettent des relations cordiales, ainsi que d’atteindre des objectifs efficacement.
Et si ces rapports de force restent nécessaires dans certaines circonstances, comme en particulier dans l’éducation, il le sont nettement moins qu’on ne l’imagine. Même en milieu professionnel, quand une compétence doit être exercée et appliquée sur le terrain, cela n'exige pas que le pouvoir qui en découle soit exercé de manière permanente ou importante. Et il ne manque pas de situations où le consensus et la démocratie peuvent le remplacer ou peuvent être utilisés en parallèle. On peut l'observer par exemple dans les entreprises démocratiques, ou encore dans la démocratie participative.
Mais ce sont sur les autres types de rapports de force que nous allons nous pencher. Car malheureusement, dans notre culture, il en existe bien d’autres, qui sont à la base de nos conceptions mentales, et apparaissent dans presque toutes les relations, y compris nos relations d’amitié et de couple, ainsi que dans nos loisirs, comme par exemple la compétition sportive ou les jeux impliquant un gagnant - qui sont les jeux les plus courants.
Et l’argent est un des ingrédients majeurs qui permet de créer, favoriser et maintenir toutes sortes de rapports de force. Avec l’argent on peut tout acheter, même le pouvoir.
En réalité, la plupart des rapports de force ne sont pas identifiés comme tels et se jouent donc de manière inconsciente via des comportements, attitudes et messages implicites.
C’est le cas pour la domination masculine (dont nous sommes en train de seulement commencer à découvrir réellement les enjeux implicites omniprésents), tout comme pour le racisme, l’homophobie, mais aussi dans le cadre de beaucoup de situations de maltraitance, de manipulation, de harcèlement, de chantage, etc. ; ainsi que dans énormément de nos comportements au quotidien.
On peut l'observer par exemple dans la conduite automobile via les coups de klaxons, les queues de poissons, les injures et doigts d’honneur au volant, etc. On peut l'observer également quand quelqu'un dépasse dans une file d'attente. Ou encore, dans la relation commerçants-clients où l'argent sert de moyen de pression pour imposer des exigences, faire valoir un statut etc. Ou tout simplement dans la manière de nous présenter, quand nous nous mesurons les uns les autres par rapport à nos vêtements, la marque de ce que l'on porte, la marque des accessoires, de la voiture, du GSM, etc. La tendance à juger étant un ingrédient majeur de la mentalité basée sur les rapports de force, tout comme celle de se sentir jugé sans forcément l'être, ou encore celle de forcer des comportements pour attirer la bienveillance, la reconnaissance, et éloigner tout comportement conflictuel ou abusif.
Même quand nous souhaitons fonctionner sur base de consensus, d’égalité, de respect, de justice, de bienveillance ; nous sommes encore profondément conditionnés à pratiquer le plus souvent l’inverse, en jouant des coudes, en nous faisant valoir, en cherchant à avoir raison, en jugeant, en nous mettant sur la défensive, en agressant quand nous ne comprenons pas, en dénonçant, en exigeant, en forçant, en mettant devant le fait accompli, en faisant pression, en nous moquant, en trompant, en trahissant, en corrompant, ... ou à l’inverse, en subissant tout cela.
D’une certaine manière, bien qu’étant adultes, sans nous l’avouer, nous nous comportons le plus souvent encore comme des enfants. Et tant que nous n’en serons pas conscients, tant que nous persisterons à le dénier ; nous ne pourrons que continuer à persévérer dans cette voie.
Dans ce contexte, la richesse et les inégalités qu’elle crée, sont à la fois source et conséquence de la persistance des rapports de force (nocifs) dans notre société. Dans les sociétés plus égalitaires, où la richesse est nettement moins convoitées, les rapports de force sont nettement moins prégnants. Une société où les rapports de force seraient à minima, verrait disparaître la recherche de richesse matérielle.
ii Notre incapacité à envisager les conflits en dehors du rapport de force
Les conflits : voilà bien l'épicentre où se jouent la plupart des rapports de force. Toute vie sociale implique la présence de désaccords, d'intérêts discordants. Car, bien que tous les humains aient des besoins similaires, nos trajectoires distinctes amènent inéluctablement à vouloir les combler chacun à sa manière. Nos choix, nos limites, nos opinions vont inexorablement un jour ou l'autre être confrontés à ceux qui ne les partagent pas.
Et dans la société qui est la nôtre, nous résolvons quasi systématiquement tous nos conflits dans le cadre des rapport de force par :
- la domination (guerre, autorité, manipulation, pression, trahison, mettre devant le fait accompli),
- la fuite (déni, distanciation, irresponsabilité, lâcheté),
- ou la soumission (impuissance, silence, somatisation, inertie, traumatisme, ...).
En réalité, nous n'avons tout simplement jamais vraiment appris à résoudre nos conflits sur d'autres bases. Quand nous ne comprenons pas notre interlocuteur et que ses intérêts divergent des nôtres, nous nous contentons de juger. Le jugement est, le plus souvent, un signe d'incompréhension ou d'incapacité à écouter. Car lorsque l'on se donne la peine de s'expliquer, et d'écouter l'autre, avec nos oreilles toutes grandes ouvertes, c'est à dire, avec une réelle empathie, dans le but, non pas de défendre "nos" intérêts propres, mais de défendre les intérêts de toutes les parties ; nous accédons à un autre mode de relation. C'est alors que la négociation, le consensus, la créativité, le partage, le respect, le don de soi, l'acceptation : sont les gagnants dans le processus, en générant la satisfaction chez toutes les parties, en aboutissant à une résolution du désaccord sur le long terme, tout en permettant que la relation et la confiance entre les protagonistes se soient améliorées.
iii Une société de dominants et de dominés : le rapport de force est partout
Tout, dans notre société, est construit en fonction des dominants et des dominés, des plus forts et des plus faibles, des mieux nantis et des plus pauvres, des experts et spécialistes et de ceux peu scolarisés, ou encore entre les détenteurs de l’autorité et ceux qui n'ont que la soumission comme choix. Et nous vivons chacun, en apparence - d'un côté comme de l'autre - presque comme si de rien n'était, soit en exerçant de la domination, soit en la subissant, comme s'il s'agissait de quelque chose d'héréditaire ou de mérité. Et selon les rôles que nous jouons, selon les relations et activités, nous pouvons être d'un côté dominant, de l'autre soumis. Soumis face au patron, dominant face au conjoint, ou l'inverse , ou encore, soumis face au conjoint, autoritaire face aux enfants. Tous les cas de figure, ou presque sont possibles, avec certains qui sont dominants partout, d'autres soumis dans toutes les situations. Selon l'éducation, le milieu, le caractère, le genre, nous entrerons plus facilement dans l'une ou l'autre catégorie.
Partout où les choses dérivent, il y a des gens qui abusent d’un pouvoir pour s’octroyer des privilèges ou nuire à d’autres personnes ou à l’environnement, et d’autres qui subissent, ou se complaisent à y participer pour en récolter quelques avantages personnels.
C’est le fait même de faire fonctionner toutes nos interactions dans le cadre du rapport de force qui rend cela possible.
Et, il faut le rappeler, les rapports de force qui n’ont pas été prédéfinis, se jouent principalement loin des discours. Toutes les personnes qui abusent du pouvoir fonctionnent souvent dans l'implicite, et principalement de manière inconsciente ou semi-consciente. Cela leur permet de n'avoir pas à se justifier, cela réduit la possibilité que ceux qui subissent les abus puissent les démasquer. La domination masculine est fondamentalement basée sur l'implicite et la thématique du consentement dans les relations sexuelles en est l'exemple le plus représentatif.
Et ce cadre nous piège en nous empêchant de reconnaître nos erreurs, et dès lors de les corriger. Dans une mentalité autoritaire, reconnaître une erreur consiste à perdre du pouvoir ou en tout cas courir un trop grand risque de le voir faiblir ou disparaître. Et dans une situation de soumission, reconnaître une erreur entraîne de facto une sentence, un blâme ou un rejet. Et par conséquent, les erreurs ne sont presque jamais communiquées par ceux qui les commettent et sont même souvent déniées. Et ceux qui détiennent le pouvoir sont capables de rejeter les fautes sur les autres, par simple manipulation afin de garder plus de pouvoir, ou par projection (tendance psychologique inconsciente à mettre nos propres erreurs sur le dos de l'autre). Dès lors tout cela maintient tous ces dysfonctionnements.
Et pourtant, lorsque l'on parvient à quitter le règne des jeux de pouvoir, l'humilité et la reconnaissance de nos erreurs deviennent alors une force. Car d'une part, elles permettent d'être juste et cohérent, mais surtout fiable envers autrui. Mais aussi car c'est le seul et l'unique moyen que nous ayons pour véritablement progresser. Une erreur déniée empêche tout simplement l’apprentissage pour la dépasser. Dès lors, une société régie par les rapports de force, est presque par essence une société qui est en panne d'évolution.
Il est à noter qu'il n'est même pas nécessaire d'être l'auteur d'une erreur pour que les abus se manifestent, voire parfois se déchaînent dans un couple ou dans un groupe. Ceux qui ont vécu du harcèlement, du bashing, du mobbing, de l'ostracisme, du racisme, du sexisme, de la manipulation, des abus, le savent parfaitement : il suffit d'avoir de la vulnérabilité pour devenir le punching-ball de service. La vulnérabilité, n'est pas intrinsèquement une faiblesse, mais elle peut être utilisée par d’autres pour affaiblir celui qui en montre des signes. Elle peut être comparée au fait de se présenter sans arme dans un groupe où tout le monde est armé. La personne vulnérable devient ainsi la cible parfaite de tous les rapports de force, et de tous les abus.
Et la vulnérabilité peut se décliner de mille façons, et principalement par la différence : la culture, la religion, l'aspect physique, le handicap, la maladie, la taille même parfois, le genre, la langue (voire même l'accent), les divergences de choix de vie : célibat, choix de vie de type LGTB+, les intérêts culturels ou politiques décalés par rapport au groupe, la naïveté, la lenteur de compréhension ou d'action. Il suffit que la particularité de la personne dérange un chouia une autre personne du groupe, plutôt influente, pour qu'elle soit implicitement désignée comme maillon faible dans le groupe. Tout qui n'est pas conforme par rapport au groupe, sera considéré comme vulnérable, et donc attaquable si les rapports de force sont prégnants dans ce groupe. Et cet aspect est sans doute encore plus palpable chez les hommes qui sont éduqués dans la compétition, où l'on doit toujours se mesurer à l'autre.
Quand j’ai pris l’exemple de l’affaire Weinstein (voir la page concernée) et du mouvement #MeToo (voir la page concernée) plus haut dans le texte, ce n’était pas tout à fait innocent. Ces exemples sont non seulement représentatifs de la manière dont les mentalités peuvent évoluer en un laps de temps relativement court, et des conséquences que cela engendre dans notre société. Mais ils sont aussi assez représentatifs de la problématique de domination des hommes sur les femmes à tous les niveaux de la société et sous toutes les formes possibles et imaginables. J’aurais pu choisir également le thème qui englobe le racisme, le colonialisme et l’esclavage. Il s’agit des mêmes concepts de rapports de force où une population en domine une autre.
Or la domination par les riches englobe presque tous les autres terrains de domination. Et à ce titre, la domination masculine et la domination des riches ont beaucoup à voir l’une avec l’autre, car ceux qui dominent, dans la toute grande majorité des cas, font partie des deux groupes (masculin et riche), tout comme ils sont majoritairement "blancs" et occidentaux et souvent universitaires. Et il ne s’agit pas d’étiqueter tous les hommes et tous les riches (tous les blancs, tous les universitaires et tous les occidentaux) comme étant problématiques, mais de questionner ce qui, en chacun de nous, fait que nous sommes partie prenante dans un système qui les/nous a mis à cette place. Pointer du doigt certaines personnes en particulier ne sera pas forcément nécessaire. Nous sommes tous concernés. Que nous fassions partie des dominants ou des dominés : nous sommes tous appelés à quitter certains schémas de fonctionnement qui s'avèrent être devenus obsolètes.
Si le sujet vous intéresse, je vous invite à visionner la vidéo (déjà citée en première partie) de la conférence TEDx (en anglais) de Tomas Chamorro-Premuzic, psychologue du travail et des organisations : « Pourquoi tant d'hommes incompétents deviennent-ils dirigeants ? », (2019) :
[voir Ref 9 : https://www.youtube.com/watch?v=zeAEFEXvcBg].
Les rapports de force s'immiscent absolument partout, même en amour. Par exemple, dans les couples hétérosexuels, bien que cela commence à changer, il est rare que l'homme soit plus jeune, plus petit, moins diplômé, moins intelligent, ou exerce un métier moins reconnu que la femme (l'infirmière qui se marie avec le médecin, le patron avec sa secrétaire ou son assistante ; sont des exemples de cas courants). Et lorsqu'il y a inversion de pouvoir dans un couple, on considère que c'est la femme "qui porte la culotte", comme une sorte d'anomalie, selon la croyance populaire, démontrant une faiblesse de l'homme et une inélégance de la femme.
N'être ni soumis, ni abusif, et maintenir l'équilibre sur le long terme, est quelque chose d'extrêmement compliqué pour l'être humain actuellement, tellement nous sommes imprégnés par cette mentalité et tellement nous sommes encore dépendants de nos réflexes défensifs et de nos pulsions dominantes.
Nous vivons un changement de paradigme, où nous sommes appelés à devenir conscients que la plupart des dysfonctionnements dans notre société sont liés, et tous n’ont pu se développer que dans le cadre d’un rapport de force.
Nous connaître mieux, reconnaître nos tendances, reconnaître nos peurs qui en sont à la base, et apprendre à mieux les vivre sans qu'elles nous imposent ces types de comportements, est le chemin qu'il va nous falloir parcourir pour rendre notre futur possible et nous éloigner de tous les cauchemars que nous nous sommes construits à l'échelle planétaire.
Mais continuons à déblayer le terrain avant de parler et expliquer comment s’éloigner du rapport de force et éviter ses conséquences.
iv La soumission
Lorsque l'on parle de rapports de force, on pointe en premier les dominants, et on oublie souvent la part de comportement qui en est le pilier principal : la soumission.
Arrêter d'avoir une attitude de soumission, est en fait bien plus essentiel encore que d'abandonner l'attitude de domination car, dans la majeure partie des faits, mais qui sont pour la plupart des détails ; c'est la soumission qui est la carte qui fait tenir le château. En ce sens que, pour construire un château de cartes, il est impératif d'opposer les cartes les unes contre les autres. Et si l'une des deux cartes ne joue pas son rôle, l'autre carte ne peut jouer le sien et tombe elle aussi. Pour qu'il y ait un dominant, il faut un dominé. Et lorsque le dominé adopte une nouvelle attitude, le dominant ne peut plus exercer son pouvoir de la même manière.
Cependant, lorsque le dominé se rebelle, il ne fait que tenter de renverser le pouvoir, la rébellion n'étant qu'une réponse guerrière dont la force n'est pas suffisante pour faire basculer l'autorité ou le plus fort. Sortir de la soumission n'a donc rien à voir avec la rébellion.
La soumission ne consiste pas uniquement à abdiquer de notre pouvoir, ou à obéir face à une autorité ou une domination. Il est bien sûr des situations où il est impossible de faire autrement. Ce qui suit ne concerne absolument pas les situations de violence (physique, verbale, mais aussi psychologique), de maltraitance, d'injustice, etc. Mais dans un nombre de cas bien plus important qu'on ne le croit, nous nous soumettons sans qu'il y ait de réelle contrainte, même si ce choix n'est pas véritablement conscient. Et c'est là où de nouvelles attitudes peuvent prendre place, en prenant conscience de nos choix au quotidien, au cas par cas.
Pour reprendre encore l'exemple de la domination masculine ; je pense que les dérives ne disparaîtront que si la femme devient consciente de son pouvoir dans le scénario ; ce qui lui permettra de le réécrire, sans passer, ni par la rébellion, ni par un renversement des rapports de force qui la rendrait dominante. Car, vu ce qui précède, tant que les femmes demanderont ou exigeront que les hommes se comportent différemment : elle ne l'obtiendront pas, ou si lentement.
Tout d'abord car du point de vue des hommes, le scénario tel qu'il est leur convient parfaitement (en apparence du moins, et c'est cela qu'ils voient). De plus, comme ils sont en grande partie inconscients de l’aspect dominateur de leurs comportements, qu’ils exercent de manière microscopique, mais partout ; ils en minimisent les impacts. Ils n’ont absolument aucune idée de la taille du problème, et se demande bien pourquoi on s’accroche à des détails qu’ils considèrent sans importance.
Et ils ne peuvent donc que concevoir l'intérêt à défendre bec et ongles leurs privilèges, mais de la manière la moins explicite possible.
Dès lors, tant que les femmes continueront à participer à ces jeux de pouvoir en s'y laissant soumettre, rien ne pourra changer (je répète, je ne parle pas ici des cas extrêmes, même s'ils sont très nombreux).
Et il est primordial de tenir compte du fait que quelqu'un qui subit la domination et qui parvient à s'en libérer, peut alors devenir dominant. Et dans ce contexte, il est alors nécessaire que la conscience nous mène à refuser d'activer cette facette dominante, pour être en mesure d’aller vers l'équité, l'égalité, l'empathie, le cœur.
Car, dans le couple, les femmes ont entre leurs mains d'autres atouts pour parvenir à rendre la situation plus équitable. On peut se représenter la communication et la relation entre deux partenaires comme une écharpe dont chacun tient un bout - chacun ayant prise sur son bout d'écharpe, mais pas directement sur le partenaire. La femme dans le couple, tient un bout de l'écharpe en mains, et ce bout-là peut initier et entraîner une évolution dans la relation. L'homme, à l'autre bout de la relation, ne tient rien d'autre que l'autre bout de l'écharpe. Cela laisse une certaine liberté à la femme, que généralement elle ignore.
En effet, trop souvent, les femmes se présentent aux hommes comme des personnages secondaires, et en premier comme des objets sexuels. (Et c'est sans ignorer que de nombreux hommes les considèrent comme telles même lorsque elles ne se présentent pas de la sorte). Elles ne le font pas consciemment, car elles ont été éduquées implicitement et conditionnées à agir ainsi. Mais avec ce type de comportements, elles ne font qu'éduquer les hommes à continuer à les considérer comme telles, et conforter leur éducation implicite qui va elle aussi dans ce sens. Ce sont des choses qui s'installent sur le long terme. Nous sommes tous conditionnés dans cette mentalité, mais c'est à la femme à la quitter en premier. De plus, cette mentalité s'est renforcée de manière extrêmement importante depuis une trentaine d'années.
Alors que dans les années 70, on en était arrivé pour la jeunesse occidentale à avoir une mode unisexe par exemple, et à gommer une grande part des différences de genres qui n'étaient pas liées au genre, mais bien à l'image construite que la culture nous inculquait ; actuellement, alors que la mode masculine n'a pratiquement pas évolué, la mode féminine jusqu’à récemment enfermait les femmes dans des vêtements et accessoires qui la transforment en objet sexuel. Ce n'est ni l'harmonie des couleurs, ni l'élégance des modèles, ni la beauté du vêtement qui se vend ; mais bien tout ce qui mettra en valeur les formes sexuées de la femme.
De la même manière, il existe à présent dans de nombreux milieux une manière de parler féminisée, qui n'a absolument rien de naturel, qui joue exactement le même rôle (les selfies de femmes avec la bouche en cul de poule est assez typique de cette tendance). Se soumettre à un tel diktat de la mode et du maintien, consiste à se soumettre à la domination masculine volontairement, sans pour autant être consciente des conséquences.
Les femmes acceptent souvent des situations qu'elles devraient refuser. Mais aussi, dans les couples, il arrive bien plus souvent qu'on ne le croit, qu'elles génèrent elles-mêmes en grande partie des situations qui vont favoriser le pouvoir de domination de leur compagnon. Et je ne suis pas en train de dire qu'elles sont coupables de cela. Elles sont juste en train de jouer le rôle qu'on leur a appris à jouer, mais duquel elles peuvent apprendre à sortir, car ce n'est pas l'homme qui décidera de sortir du rôle complémentaire qu'il joue dans ce scénario. Et il faudra bien que l'un des deux initie le changement à ce niveau.
Prenons par exemple le cadre du partage des tâches ménagères dans le couple. Les enquêtes démontrent que dans les premières années du couple, le partage est relativement équitable, mais qu'avec le temps le déséquilibre s'installe, et la femme prend une part plus importante du travail.
Pour l'avoir vécu personnellement, et l'avoir observé tout autour de moi de manière répétitive, je pense que bien souvent la femme facilite elle-même en grande partie ces conditions, et l'homme n'a plus qu'à les exploiter en fonction de sa propre éducation qui l'y conditionne.
Avant que les femmes n'accèdent à un travail rémunéré, il était considéré comme évident qu'elles tiennent le ménage et s'occupent de l'éducation des enfants. En entrant sur le marché du travail, il aurait dû être naturel que ces conditions soient revues afin de partager les tâches. Mais ce n'était clairement pas dans l'intérêt de l'homme qui se voyait tout à coup co-responsable du ménage et de l'éducation qu'il n'avait pas à assumer jusqu'alors. Il est donc assez logique qu'il ne se soit pas montré très coopérant au départ, d'autant plus que son éducation ne l'y préparait pas.
Mais bien souvent, ce qui se passe également dans les couples, c'est que la femme qui travaille, va vouloir (cela se passe inconsciemment) conserver la main mise sur la gestion de la maison en désignant l'homme plus comme un assistant que comme un partenaire. Quand une femme me dit qu'elle est très satisfaite dans son couple car son homme "l'aide" dans le ménage, je comprends par là qu'il n'y a pas de place équitable pour lui dans ce ménage vu que c'est elle qui en garde les rennes. Il n'est donc pas étonnant qu'avec le temps, l'homme finisse par se débiner. Et il y a mille manière de se débiner. On peut rester plus tard au travail, ou ramener du travail professionnel à la maison. On peut s'engager dans moult activités qui empêchent de passer le temps nécessaire à la maison pour faire le ménage. On peut aussi se permettre de ne pas s'acquitter de ces tâches, ou de les réaliser de manière désinvolte, voire totalement inefficace. Et beaucoup d'hommes brillent dans toutes ces options. Et très souvent les femmes les y poussent l'air de rien, bien involontairement, pour ensuite le leur reprocher.
Pour ma part, alors que je venais de retrouver un emploi - et que cela impliquait que mon compagnon reprenne une partie du ménage - et que je lui demandais alors de ranger la vaisselle dans l'armoire selon l'ordre que j'avais établi ; je me suis vite rendu compte que je lui donnais toutes les bonnes raisons de ne tout simplement plus faire la vaisselle. L'attitude adoptée par beaucoup de femmes consiste aussi, bien souvent, à finir par effectuer elle-même - pour la "paix du ménage" - ce que l'homme a délaissé. Je ne pense pas que, sur le long terme une telle attitude maintienne la paix du ménage. Car c'est ainsi que l'on colle les timbres de notre ressentiment et que l'on finit un jour par apporter le carnet plein et provoquer la séparation, ou que l’on va se sentir malheureuse ou abusée dans le couple. Ou encore on finit par adopter un comportement râleur qui va finir par pousser l'homme un peu plus loin dehors.
On apprend aux garçons, implicitement à se servir des femmes. Et on enseigne aux petites filles que pour vivre en couple, il faut faire énormément de concessions, la première étant de "souffrir pour être belle" - ce qu'on ne proposera jamais aux garçons.
Je pense que les discriminations et injustices faites aux femmes diminueront lorsque ce seront les femmes qui se libéreront de tels conditionnements. Lorsqu'elles refuseront de se "faire belle" pour répondre aux critères de séduction qui ne sont que des critères de conditionnement. Et lorsqu'elles refuseront de souffrir pour la paix du ménage.
Tant que les femmes seront dans les demandes et exigences face aux hommes dominants, elles n'obtiendront rien, ou presque. Les hommes acquiesceront, sans bouger, ou feront toujours mine de ne pas comprendre, vu que les comportements de la femme ne sont pas en adéquation avec leurs paroles. Ils n'ont donc aucune raison de changer et cette situation affermit une forme d'autorité non dite. Il est nécessaire de devenir tous conscients que la communication non verbale a bien plus d'effet que nos mots. Lorsque nous disons une chose, mais ne l'appliquons pas dans nos comportements, c'est le comportement qui fera office de message. Quand une femme râle, exige, rouspète, se plaint, et se répète dans le temps, mais continue dans les faits à accepter ce pour quoi elle n'est pas d'accord : elle exprime indirectement qu'en fait elle est d'accord. Et c'est ce message-là qui passera.
Et je ne suis pas en train de dire que l'homme a raison de ne pas écouter le message verbal. Je suis en train de dire que celui-ci est inefficace, et qu'il faut l'accompagner d'autre chose, qui conforte le message dans les faits, sans passer par le rapport de force.
D'une certaine manière, peu importe la force de la carte dominante, nous n'avons presque aucun pouvoir pour la modifier. C'est bien plus la manière dont la carte qui fait face participe à ce jeu de domination qui peut changer le scénario.
La femme apprend à être aimée conditionnellement, l'homme pas. C'est là que la femme aura à apprendre à s'affirmer. Tant que, pour se faire aimer d'un homme les femmes accepteront l'inacceptable, elles aideront à perpétuer toutes les inégalités, y compris la culture du viol, et toutes les autres violences faites aux femmes.
Il ne s'agit pas de mettre la responsabilité des inégalités sur la femme, mais bien plus de se rendre compte que quand un certain type de comportements ne fonctionne pas, c'est à celui qui cherche un changement, à tenter de nouveaux types de comportements. Et cela rejoint ce qui est dit au chapitre sur la rationalité - Une solution qui ne porte pas n'est pas une solution).
Ce que j'essaye de dire, c'est que dans la plupart des cas de domination, le dominé coopère plus activement à sa domination qu'il n'y paraît, mais cela se passe dans les détails et sur le long terme, en multipliant, sans s’en rendre compte, les non-dits, les malentendus et les comportements inadéquats du quotidien. Et cela se passe au niveau collectif. Les violences les plus extrêmes perpétrées dans certains couples se produisent en général à la suite de micro-violences qui se sont installées et ont été acceptées parce qu’on n’a pas voulu y donner de l’importance. Mais surtout, car la domination est la référence dans tous les autres couples. Nous baignons tous dans ces mentalités. Sur le long terme, c'est donc bien dans les autres couples (là où il n'y a pas de violence extrême ou visible) que le changement est à apporter.
En ce sens, ce n'est pas la minijupe portée par la femme violée qui est la raison du viol. Ce sont les mini jupes portées par des millions de femmes qui sont un des facteurs stimulant à perpétuer la culture du viol. La culture du viol n'est donc pas le fait des femmes, mais dans certaines circonstances, elles peuvent y coopérer (bien malgré elles, car ce n'est pas conscient). Je caricature bien sûr, car ce n'est de loin pas aussi simple que cela. L'idée n'est absolument pas de retirer la responsabilité des hommes lorsqu'ils commettent des violences. Et encore moins de pointer du doigt les femmes comme responsables des viols qu'elles subissent. Cela n'a absolument rien à voir. Mais il s'agit de tout un contexte dans lequel les femmes elles-mêmes sont involontairement embrigadées. Les femmes qui, dans leur quotidien, exposent leurs jambes, leur décolleté, qui se maquillent à outrance, et tous les autres signes de séduction du même genre ; sont des femmes qui ne font rien d'autres que d'utiliser des techniques de racolage dans leurs relations quotidiennes. Elles risquent bien sûr de rencontrer plus facilement des partenaires sexuels. Mais elles risquent surtout d'éloigner les hommes plus respectueux, ou de ne pas être prises au sérieux. Et en véhiculant cette mentalité, cela fait tâche d'huile. Tant que les femmes ou en tout cas une grande partie d'entre elles, se comporteront par leur propre initiative, comme des objets sexuels, comme des enfants, comme des petites mains, par rapport aux hommes, ils ne pourront les considérer autrement. Le pouvoir du dominant est bien sûr bien plus important que celui du soumis. Cependant, le changement ne peut être initié que par celui qui y voit le plus l'intérêt, à savoir, le soumis.
Oprah Winfrey l'exprime en ces termes :
« Quand vous sous-estimez ce que vous faites, le monde sous-estimera qui vous êtes. »
Traduit dans la situation d'inégalité entre hommes et femmes, on peut le comprendre ainsi : Quand la femme se sous-estime, car on le lui a appris, elle participe elle-même de manière importante au manque d'égard que l'homme lui octroiera.
Cela donne une clé pour sortir de la condition de femme soumise encore trop souvent vécue par les femmes.
Je vais donner un autre exemple. Lorsque, en 2019, des femmes du monde entier scandent sur une musique rythmée le slogan « Le violeur c'est toi », dans toutes les langues, mais que certaines le font en minijupe, avec les lèvres rouge pivoine de maquillage, cela porte un double message extrêmement efficace : nous exigeons d'être respectées, mais nous nous comportons de manière à contredire le message verbal. Et c'est le message non verbal, implicite, qui passera.
Il ne s'agit pas de mettre la culpabilité des injustices que subissent les femmes sur les femmes. Il s'agit bien plus de devenir conscients, tous, tant femmes que hommes, des mécanismes qui conduisent d'un côté à se soumettre, et de l'autre à dominer. Il est essentiel, verbalement de dénoncer toutes les injustices : viol, inceste, féminicide, harcèlement, violence, maltraitance, machisme, misogynie, et toutes sortes de discriminations moins visibles. Et il est primordial de faire jouer les lois pour stopper net ces comportements. Mais il est tout aussi indispensable de nous déconditionner de certains apprentissages genrés qui mènent les femmes à des comportements implicites invitant les hommes à continuer à les dominer. La galanterie en est un parfait exemple. Accepter la galanterie c’est accepter implicitement de se soumettre.
Le respect, l'équité, ne viendront pas par des exigences, mais parce qu'on ne participera plus à donner le pouvoir à celui qui ne peut qu'en faire usage.
Et, bien que je ne l'aie pas encore précisé, cela ne veut pas dire que tous les couples fonctionnent continuellement dans le rapport de force. Mais celui-ci reste bien présent, ne fut-ce que en filigrane, dans certains domaines - propres à chaque couple.
Et pour en revenir au cadre de notre économie destructrice, au niveau mondial, cela fonctionne exactement de la même manière. La part d'individus qui sont dans une situation de soumission est gigantesque. Et c'est de cette population que peut venir le changement. Tout comme pour la situation inéquitable pour les femmes, ce ne seront pas ceux qui subissent les pires injustices qui pourront ramener le bon droit. Ce sont tous les autres, qui peuvent prendre la responsabilité de ne plus participer implicitement et indirectement à ces injustices. Nous sommes soumis à la publicité, au culte de l'argent et du profit, à la culture télévisuelle, cinématographique, à celle des réseaux sociaux, youtubeurs et autres influences du net. En ce sens : capitaliser, voyager, consommer, faire la fête, suivre les modes, suivre les autoroutes culturelles, sont tous des vecteurs de soumission. Mais cela touche également le choix de notre langage, de nos pensées, de notre profession (dans le cas où nous avons une réelle liberté pour la choisir). Cela concerne la manière dont nous vivons nos relations, ainsi que notre capacité à prendre du recul par rapport à ce que nous vivons et par rapport à ce que nous ressentons. Et cela implique notre capacité à remettre en question tous nos acquis et modes de fonctionnement.
Ce sont bien nos comportements dans les détails, la manière dont nous dépensons ou plaçons le moindre denier, qui permettent de bâtir les fortunes de ceux qui dominent le monde. Dénoncer cette domination n'est pas suffisant, l'essentiel est de ne plus participer à cette domination en cessant de nous y soumettre dans le but de bénéficier de plaisirs secondaires ou dans celui de gagner notre pain quotidien.
Tant que nous ne reconnaissons pas notre propre rôle de soumis (inconsciemment conditionnés à l'être), nous restons voués à nous rebeller contre ce que nous continuons à soutenir.
Et il est probable qu'il soit plus facile d'apprendre à lâcher le rapport de force quand on se trouve du côté de la soumission. Même s’il est des situations où la soumission est implacable et rien ne peut nous permettre de nous en affranchir ; ce sont toutes les situations purement violentes et dictatoriales où, excepté par la manipulation, il n'existe pas de voie de sortie.
Par contre, dans nombres de cas, la domination est abusive mais n'est pas dictatoriale. Et dans ces cas de figure, la personne qui est sous son emprise n'est pas réellement emprisonnée dans cette situation et a la possibilité de choisir d'en sortir, ou de la changer, en modifiant sa propre manière de participer aux enjeux en cours. Mais bien souvent elle n'en a pas la conscience et/ou manque de moyens pour y parvenir.
Pourtant, en étant soumis, nous sommes à même de concevoir l'avantage de quitter la situation ; ce qui est rarement le cas de la personne qui détient le pouvoir ; d'autant plus qu'en général, cette dernière dénie le fait qu'elle en abuse.
Mais aussi, la personne qui vit la soumission a plus facilement accès à un autre type d'attitude que celle du jeu de pouvoir. Et pour parvenir à cela il faut être plus conscient des enjeux de la relation. Seulement alors on tient véritablement les cartes en mains. Cela nécessite dès lors de mieux connaître nos besoins, nos demandes, nos attentes, et toutes les manières possibles pour atteindre nos buts. Tant que l'on ne perçoit pas qu'on a un choix autre que celui qui paraît le plus évident qui est celui de se soumettre à l'autre, à la pression sociale, à la norme, et surtout, à ce que nous croyons de tout cela, voire de soumettre l'autre ou tenter de le faire ; on reste enfermé dans les mêmes comportements, les mêmes conditionnements. Dans les cas extrêmes, c'est la relation qu'il faudra remettre en question. Mais dans la plupart des cas, c'est dans la relation même qu'en décalant nos points de vue, nous trouverons des alternatives plus créatives à toutes les situations qui nous embrigadent.
Ce sont pour la plupart des situations où, quand nous les subissons, nous acceptons de faire des concessions, de ne pas mettre nos limites, ou de ne pas nous respecter nous-mêmes, car nous n'avons pas confiance que nous pouvons nous en sortir autrement, et car les peurs inconscientes nous paralysent. L'exemple qui vient le plus facilement à l'esprit est une fois encore celui du couple, où l'un des partenaires, le plus souvent la femme, accepte des conditions de relation ou de vie difficiles et parfois intolérables, par simple peur de perdre l'amour du partenaire. Dans ces conditions, et de manière implicite, tous les jeux de pouvoir sont alors permis, et le partenaire ayant le pouvoir en abusera en général à volonté ; même lorsqu'il y a un amour véritable (autre que de la passion) partagé entre les deux partenaires. Ces situations de soumission peuvent aussi se retrouver, par exemple, chez l'employé qui a peur de perdre son travail, l'enfant ou plus tard l'étudiant qui a peur d'essuyer un échec s'il refuse de se soumettre à quelque chose d'injuste. Elles peuvent se rencontrer dans tous les types de relations et à toutes les échelles.
C'est notre peur de perdre, le partenaire, l'ami, le travail, etc. ou d'échouer dans un projet, qui nous mène à faire des concessions inacceptables, à nous laisser abuser, à nous taire ; donc à nous soumettre à des injonctions injustes (qu'elles soient exprimées, implicites, ou encore imaginées). Lorsque nous devenons capable de faire face à ces peurs, nous retrouvons notre liberté d'action.
Faire face à une peur consiste en quelque sorte à choisir de prendre un risque. Cela implique que nous soyons prêts à perdre d'une manière ou d'une autre.
Et ce courage en général, consiste en la force même qui va permettre d'éluder ce risque de perdre. Cela change véritablement la donne dans la relation. Car quand nous sommes capables de prendre le risque de perdre, et donc d'affronter la peur que cela génère, nous quittons les registres de l'exigence, du jugement, de la victimisation, et de cette sempiternelle opposition qui peuplent tant de relations. Cet état d'esprit permet alors une forme de lâcher-prise, une acceptation de ce qui est, et plus de compréhension et d'empathie envers l'autre, plus de respect, plus d'indulgence, plus de confiance en soi-même et en l'autre. Et cette attitude-là permet à l'autre de baisser aussi les armes. Pas toujours. Pas forcément tout de suite. En tous les cas, face à une telle attitude, il n'est plus possible de dominer de la même manière. Et la créativité et la bonne volonté feront le reste.
v La désignation d'un fautif
Un autre aspect du rapport de force réside dans une tendance assez généralisée, mais pas totalement, de pointer du doigt les erreurs, et de désigner simultanément un fautif. Nous sommes, pour la plupart, incapables d'observer un problème sans tenter de blâmer autrui pour sa présence. Il y a toujours un coupable aux problèmes que nous subissons, et nous ne nous en considérons jamais responsables nous-mêmes.
En désignant l'erreur chez l'autre, non seulement nous nous affranchissons de nos responsabilités, mais également, dans la volée, nous rabaissons d'un niveau cet autre, qui "n'est donc pas à la hauteur" de nos attentes.
Dans une vidéo complémentaire au programme Gupta, Ashok Gupta exprime ceci :
« Quand votre maison est sale, et que vous passez tout votre temps de nettoyage à rechercher par quelle fenêtre la saleté est entrée, ou qui est venu avec des chaussures boueuses ; vous perdez votre temps. Cela n'a aucune importance. L'important est de lâcher prise face à la recherche d'un coupable (« let go of the blame game ») et d'effectuer le nettoyage. »
Pour passer d'une tour à l'autre, nous n'avons pas à chercher à blâmer ceux qui ont amené la mouise. L'important est de repartir sur de bonnes bases.
Je ne nie pas que dans certains cas, il faille stopper net des méfaits, surtout à grande échelle. Mais la plupart des innovations qui vont nous permettre de survivre sur la planète, quelle que soit l'échelle où elle seront apportées, seront investies vers leur réalisation, leur efficacité, leur réussite, et non vers le problème qu'il aura fallu quitter pour les initier.
Et ce principe s'applique aussi au niveau psychologique. Bien que nous devions rester vigilants à ne pas laisser se redévelopper les travers qui nous empêchent d'évoluer (les pensées, émotions, actions, comportements qui nous ramènent à nos anciens modes de fonctionnement) ; il n'y a pas à chercher dans notre passé, ou des causes, ou des facteurs responsables de cela : il faut guérir de nos blessures actuelles et surtout investir ce qui fonctionne, rien d'autre.
Dans le changement de paradigme qui nous attend, l'important n'est pas de désigner les coupables, de pointer des personnes ou groupes de personnes, mais bien de nous atteler au changement à l'échelle qui nous est accessible.
vi Rapport de force et confiance en soi
Fonctionner dans les registres du rapport de force - que l'on soit soumis ou dominateur - est le meilleur obstacle au développement de notre confiance en nous.
En fait, contrairement à ce que l'on aurait tendance à croire, la confiance en soi ne se construit pas. Elle est en nous, depuis toujours, mais elle ne se manifeste ou s'épanouit que dans certaines conditions. Et l'esprit de domination est un sérieux frein à la confiance en soi. Car la véritable confiance en soi, qui est une ressource énorme dans la vie, ne s'épanouit que lorsque nous sommes capables, à la fois, d'humilité et d'empathie ; ce que le penchant dominant exclut de facto.
En ce sens, les femmes - plus soumises en général - ont paradoxalement plus facilement accès à la confiance en soi que les hommes.
Les hommes, à l'inverse, même s'ils brillent, même s'ils sont assertifs, s'ils s'affirment ; ont en général nettement moins confiance en eux. Car leur affirmation, leur assertivité, sera toujours fonction de la nécessité de devoir se prouver face aux autres. Prouver leur pouvoir, prouver leur compétence, prouver leur virilité. Or la véritable confiance en soi amène à perdre totalement ce besoin de se prouver aux autres, et c'est pourquoi elle donne, non seulement, plus de liberté, mais aussi une très grande force. Une force d'une toute autre nature, qui n'est plus liée au pouvoir ou à l'emprise, mais à une faculté à influencer qui n'impose rien, qui est respectueuse et sécurisante, qui ne nécessite ni autorité, ni violence, ni manipulation, et qui fonctionne plutôt par la persuasion, la contagion, et surtout avec quelque chose de l'ordre de la compassion.
Dans un certain sens, encore actuellement et de manière très prégnante, l'éducation implicite à laquelle sont soumis la plupart des hommes, limite nettement plus leur liberté par rapport aux femmes (je ne parle pas tant de la liberté d’agir que de la liberté mentale). Ils ne l'ont très certainement pas choisi, et n'en ont probablement pas conscience pour la majorité d'entre eux. Tout comme probablement aussi la majorité subissent cet état de fait. Car il existe des injonctions non-dites qui les obligent à toujours devoir se mesurer entre eux, ne jamais se laisser mener par une ou des femmes, et se prouver : prouver leur virilité, prouver leur capacité, prouver leur réussite, prouver leur force, ne jamais laisser entrevoir leurs émotions ou leur vulnérabilité. Et ils n'en ont jamais fini. Mettre des mots sur tous ces aspects pourrait, petit à petit, les en libérer.
Voici la vidéo TEDx du témoignage (en anglais – 16 min) de Landon Wilcock « Reimagining masculinity ; my journey as a male sexual assault survivor », qui, à travers la situation traumatisante qu'il a vécue, permet de mieux concevoir l’embrigadement éducatif dans la masculinité ou la virilité, inhérent à notre culture : [voir Ref 26bis : https://www.youtube.com/watch?v=BWWPZlaq35U].
Et si nous arrivons à évoluer pour affaiblir l'usage des rapports de force, nous verrons tout un chacun accroître notre niveau de confiance en soi. Et plus la confiance est grande, moins la tendance à faire appel à l'usage du pouvoir s'avère nécessaire. En ce sens, lâcher le rapport de force donne accès à bien d'autres aptitudes psychologiques, qui toutes œuvrent dans la même direction, celle du cœur.
Or toute la construction de notre société s'est réalisée par des gens qui se mesurent entre eux, qui cherchent à détenir le pouvoir sur les autres, qui cherchent à faire du profit coûte que coûte sans tenir compte des dégâts humains et environnementaux que cela exige, qui privilégient toutes les approches rationnelles à celles du cœur. Une société qui permet à ses membres à avoir confiance en eux, en la vie, en les autres, prendrait une tout autre direction.
vii Rapport de force et libre arbitre
En nous éloignant des références liées à la domination et à la soumission, nous aurons aussi un meilleur accès à notre libre arbitre.
Il est nécessaire de comprendre avant tout que, ni soi, ni quiconque, n'a choisi de fonctionner comme nous l'avons toujours fait. Nous sommes le produit de nos apprentissages et conditionnements mêlés à des réactions réflexes et impulsives naturelles. Dans tout le méli-mélo d'injustices, d'imperfections, de menaces, d'incapacités dont tous les humains font preuve, il va nous falloir apprendre à voir et comprendre que personne n'a choisi d'aller dans la direction (néfaste) dans laquelle il se trouve.
Nous sommes beaucoup plus soumis à nos réactions et pensées inconscientes, que nous ne voulons bien l'admettre. Et nous éveiller à la conscience ne consiste pas tant à reprendre les rennes de nos vies, de nos pensées, de nos émotions, et de nos actes, que d'apprendre à les laisser fonctionner, non plus comme notre nature inférieure (primitive, originelle) nous dicte de le faire, mais bien d'apprendre à suivre notre nature supérieure (spirituelle). Et c'est à ce niveau qu'il va falloir lâcher tout notre orgueil d'humain. Car si nous avons bien un libre arbitre, nous l'utilisons très peu, puisque nous vivons à 95% selon nos automatismes. Et lorsque nous l'utilisons, nous portons nos choix bien souvent pour le pire, par manque de maturité en quelque sorte.
Cependant, une fois la conscience plus éveillée, un élément essentiel de notre évolution devient accessible. Il consiste à comprendre que choisir d'aller vers le meilleur, malgré que cela dépende réellement du libre arbitre, consiste malgré tout à renoncer à faire ce qui nous plaît.
Le libre arbitre, à un niveau supérieur d'évolution consiste, en partie, à renoncer à une forme de liberté, en suivant un chemin que la vie nous dicte au fur et à mesure. Nous choisissons alors de faire notre travail de fourmi.
Car, plus la conscience s'éveille, plus il devient possible de déchiffrer le chemin à suivre. Cependant, derrière ce renoncement à une forme de liberté, se cache un énorme accès au bonheur. Car, quand on suit les signes que la vie nous propose (les synchronicités), on découvre que tous les événements se mettent en place pour réaliser nos intentions. Et le renoncement - relatif - à la liberté dans nos choix au quotidien, nous permet de jouir d'une bien plus grande liberté dans nos choix de vie, et augmente énormément l'impact que nous avons autour de nous. Ce chemin se gravit très lentement avec essais et erreurs, comme dans tous les apprentissages, en revenant toujours à nos anciens modes de fonctionnement au début de cet apprentissage. Il est donc rempli de doutes.
Un bon livre pour approfondir ce sujet est le livre de Laurence Luyé-Tanet : « Ne crains pas que ta vie prenne fin un jour mais plutôt qu'elle n'ait jamais commencé », (2019),Ed. Dunod
Les doutes sont un signe que nous sommes sur un chemin d'évolution. Les certitudes, à l'inverse, sont le signe que nous sommes encore très loin de pouvoir avancer.
La meilleure illustration de notre capacité à réduire notre liberté par choix est l'exemple du confinement que nous avons presque tous vécus dans un passé récent ; lorsque celui-ci est vécu volontairement plus que par le fait qu'il nous soit imposé. Si nous décidons, de notre propre initiative, de limiter nos interactions sociales physiques pour notre propre bien, et pour le bien d'autrui, dans un cadre plus large au niveau de la société ; nous sommes alors en train d'agir en dehors du cadre d'un rapport de force. Notre attitude est alors tournée vers l'extérieur, et ce sont moins nos intérêts personnels qui entrent en ligne de compte. Car le but plus indirect du confinement n'est pas d'éviter la contamination qui, à terme pourrait atteindre 60-70% de la population, mais bien d'éviter que la rapidité de la contamination ne provoque l'engorgement des hôpitaux et des services de soins intensifs, qui perdraient de leur efficacité et enverraient beaucoup plus de personnes vers de grandes souffrances et vers la mort. Ce sont les autorités qui nous l'ont imposé. Cependant, ceux qui ont le mieux compris le principe, ont nettement plus de facilité à suivre cet ordre, et le suivent à la lettre, en vivant nettement mieux les restrictions que cela implique. Alors que ceux qui ne l'ont pas compris, vont tenter d'esquiver certaines règles, vivent le confinement comme une perte importante de liberté dans beaucoup de frustrations, et ne rêvent que de "retour à la normale".
La différence de perspective, et la manière de ressentir les événements, dans les deux cas de figure est énorme. Cependant il ne faut pas oublier que les conditions de vie jouent également un rôle très important dans la manière de traverser de tels épisodes.
Lorsque nous faisons des choix motivés et en conscience pour le bien d'autrui avant notre propre bien, nous nous extrayons du rapport de force et nous en vivons les conséquences avec nettement plus de bonheur. Vivre les événements par choix et non par obligation, transforme complètement la manière de les vivre.
i Les comportements, références et marqueurs sociaux résultants de la prégnance généralisée des rapports de force
Les principaux comportements qui caractérisent la société occidentale, et que l'on peut associer aux rapports de force sont : la recherche de richesse, la compétitivité, la recherche de statut, le jugement (tant le fait de juger autrui, que la soumission au jugement supposé ou réel d'autrui), et à un niveau plus global et économique : la recherche de croissance.
Pour concrétiser ces comportements à l'échelon individuel il existe toute une série de codes et références telles que : les diplômes, les titres, les grades, les promotions, les prix et médailles, les championnats, les cotes et mentions, les marques avec lesquelles on s'affiche, les étoiles, les pouces levés : tout ce qui permet de se mesurer aux autres, et de mesurer les biens entre eux.
Bien que cela soit tout relatif, l'accès à ces références n'est pas le même pour tout le monde. Il existe tout d'abord toute une série de cercles vicieux, tels que : les enfants de riches (cadres, professions libérales, ...) ont plus facilement accès à l'université que les moins nantis (ouvriers, employés). Donc, leur accès à un statut de pouvoir ou de richesse est très nettement plus favorable.
Mais il y a aussi tout l'aspect culturel qui va faire que, même avec un statut, on n'a pas toujours accès à du pouvoir ou de la richesse. Le genre, la couleur de peau, la culture, la religion, la nationalité, la langue maternelle peuvent en effet être implicitement des facteurs qui vont réduire l’accessibilité à des fonctions de pouvoir. Cela se concrétise par exemple pour l'accès à l'emploi, et une fois dans l'emploi, pour le pouvoir effectif que l'on peut y exercer, ou le niveau du cachet qui correspond à la profession.
En dehors des grandes lignes de pouvoir et de richesse, liés principalement à la profession, il existe toute une série de comportements sociaux qui sont fonction des rapports de force. Ils sont plus ou moins prégnants selon les milieux.
Il y a tout d'abord, les signes qui catégorisent les gens et les situent sur une échelle de valeur sociale. Ce sont grosso modo, les possessions : habitat et décoration, moyen de locomotion, habillement, lieu de vacances, fréquence et lieux de sorties, etc. Que vous habitiez dans le Bronx ou à Beverly Hills, à Molenbeek ou à Uccle, n'a pas du tout le même effet sur votre carte de visite -si tant est que vous ayez une carte de visite (signe elle aussi d’une forme de statut).
Même les personnes que nous côtoyons sont elles-mêmes des signes qui nous catégorisent dans un milieu ou un autre. Et le niveau social nous définit un certain pouvoir et une certaine richesse. Presque tous nos rapports sont construits de manière à ce que nous nous conformions à la case définie par notre culture, notre éducation, notre genre, etc. et donc aux accessoires qu'ils impliquent pour nous imposer, nous intégrer ou nous soumettre dans les différents cercles sociaux que nous fréquentons.
Mais il y a également à l'intérieur des milieux, groupes, couples et familles : des rivalités, de la compétition, de l'identification - soit à un leader, soit à une référence commune. Dans le sport par exemple, et le foot en particulier, on s'identifie à la ville ou au pays. Et les drapeaux seront les meilleurs moyens de se reconnaître. Ces mêmes drapeaux que l'on défend en temps de guerre. Car la notion est la même, qu'elle soit exploitée de manière ludique ou compétitive pour le profit, ou de manière ouvertement meurtrière dans les agressions armées.
Et simplement, au niveau individuel, dans nos manières de nous relationner aux autres ; nous avons une panoplie d'attitudes, de valeurs et de références que nous pouvons utiliser au quotidien et qui sont toutes ancrées dans les rapports de force. Chacun les utilise à des fréquences et intensités diverses, mais il s'agit d'un bagage commun à tous les êtres humains, et nous y sommes éduqués implicitement dès l'enfance, comme par exemple :
la fierté, le mérite, la récompense, l'honneur, la punition, l’orgueil, la fuite, le déni, le mensonge, la manipulation, toutes les formes d’abus, le chantage, le jugement, la justification, l'injonction, l'obéissance et la désobéissance, la rébellion, la moquerie, la provocation, les défis ; ainsi que les attitudes de communication de type : péremptoire, autoritaire, méprisant, condescendant, paternaliste, arrogant, insolent, plaintif, râleur, agressif, discriminant, ... On pourrait allonger les qualificatifs par dizaines. Chacune de ces valeurs, chacun de ces comportements est basé sur une conception ou une motivation inégalitaire. Et même si ce sont des comportements partiellement intuitifs ou naturels, ils sont pour partie aussi appris.
Et dans les comportements plus extrêmes, ou considérés comme déviants, on peut citer : la corruption, le vol, le viol et la prostitution, l’esclavage, le racisme, le harcèlement, la maltraitance, ainsi bien sûr que le crime et la torture. Ces comportements, eux aussi basés sur le rapport de force ont la particularité d'utiliser une forme de pouvoir ou de violence qui nuit gravement à autrui ; que ce soit à l'intégrité physique, psychique, à la liberté ou aux possessions et de manière ultime, à la vie.
Et par extension, les mentalités guidées par le rapport de force, vont influencer à un niveau plus global, l'orientation de l'organisation et de l'évolution de la société : par la technologisation à outrance, la foi aveugle en la science*, l’obsession de l’objectivité et de la rationalisation**, et bien entendu : la croissance, la compétitivité et l'enrichissement.
Remarques :
* Il ne s’agit pas de renier les apports de la science, mais de refuser la conception selon laquelle la science est l'unique référence et la recherche scientifique ne peut être guidée que par la rationalité alors qu’à l’inverse elle a tout intérêt à être guidée prioritairement par le cœur.
** D’une certaine manière, toute personne prétendant à l’objectivité, démontre qu’elle se connaît bien mal, et que justement, il est probable qu'elle manque d’objectivité. Rechercher d’approcher l’objectivité et prétendre être totalement objectif sont deux choses bien différentes. L’intelligence logique, rationnelle, cartésienne, n’est donc pas le top de l’intelligence. C’est juste un outil efficace s’il est utilisé par des gens matures ; ce que l’humain n’est pas.
Toutes ces références - parmi bien d’autres - sont basées sur, ou en lien direct avec le rapport de force, la domination et la soumission. Tant que nous ne l’aurons pas compris, nous ne pourrons que nous y accrocher encore et encore. Et il est grand temps de trouver le chemin pour passer à autre chose.
En d'autres mots, presque tous les comportements de tendance négative, sont liés, directement ou indirectement, à une mentalité basée sur le rapport de force. Et certaines attitudes considérées comme positives dans notre société, le sont aussi. Par exemple : être champion est l’un des statuts les plus convoités dans beaucoup de domaines et génère l'admiration de tous. Pourtant être champion signifie : avoir « éliminé » tous ses adversaires, les avoir fait perdre, les avoir fait mordre le tapis. La majorité se trouve donc du côté des perdants. Pour aduler quelques uns, il faut beaucoup de perdants.
Les cas les plus extrêmes de ces compétitions sont les combats à mort entre gladiateurs, qui se jouaient à l'époque romaine. Et actuellement encore, les corridas qui ne sont rien d'autres que des exécutions ritualisées, où, bien que le danger existe pour le toréador, c'est l'animal qui d'office perdra la vie ; ce qui rend le concept moins condamnable (actuellement, mais plus pour longtemps) que la mort du gladiateur ; mais qui fonctionne sur le même principe du rapport de force et de domination extrême, capable d'ôter la vie par plaisir, tout comme pour la chasse.
Et lorsque l’adage dit : « la fin justifie les moyens », il ne fait que confirmer une approche basée sur les rapports de force. Dans notre société tous les moyens sont bons, même s’ils ne sont pas forcément permis. Nos fins, en général consistent à « gagner », c’est-à-dire avoir le dessus sur l’autre, sur les autres. Et qu’ils soient matériels, physiques, verbaux, psychologiques : nos moyens pour arriver à nos fins n’ont pas de limites. Nous sommes capables de faire la guerre, et tuer et blesser des individus par dizaines, centaines de milliers, voire par millions : pour obtenir la paix.
Gandhi exprimait tout l'inverse :
« La fin est dans les moyens comme l'arbre est dans la semence. »
Et en ce sens, lorsque l’on évolue, ce ne sont pas tant nos projets qui les premiers sont remis en question, mais nos moyens de les mettre en œuvre. Et lorsque le glissement dans l’attitude se produit, il en résulte que ce sont nos projets qui sont transformés.
La langue illustre elle aussi notre incapacité à dépasser les rapports de forces. La réussite s'obtient par "les défis", "les challenges", "la compétition", "la rivalité". Mener à bien un projet exige d'être "combatif", de "lutter" pour y parvenir, de pouvoir le "défendre". Nos moyens pour y arriver sont souvent des "armes". Il est bon d'avoir "plusieurs cordes à son arc". Pour "arriver", il fait être "battant", "avoir les dents longues". Et c'est sans compter tout l'aspect de domination masculine qui s'y ajoute : "avoir la carrure", ou à l'inverse, "ne pas avoir de couilles" ou être une "femmelette". Les femmes en prennent donc pour leur "grade".
Même en étant non-violent ou féministe, il est très difficile de s'exprimer sans avoir recours à ce genre de termes et d'expressions.
Le terme de "non-violence" lui-même est encore par essence, imprégné de "violence" dans son appellation. C'est dire le chemin qu'il reste à faire.
Lorsque l’on cesse de mener des luttes, des combats, pour mener à bien nos projets, on cesse de considérer tout qui pourrait s’y opposer comme adversaire, et on commence alors à les considérer comme des interlocuteurs, parfois même des partenaires.
Ce glissement de conception se fait rarement brutalement, mais au bout du compte il s’agit d’un bouleversement total des références, car tout dans nos vie est concerné.
ii Les sphères d’influence sociales, culturelles et commerciales
Dans la société qui est la nôtre, tous les pièges sont à notre portée pour nous faire croire que ce sont les aspects matériels de notre vie qui sont à la base de notre succès, de notre bonheur, de notre réussite sociale. Que ce soient les mass médias, le cinéma de masse, la publicité, notre entourage, les centres commerciaux, les hypermarchés, les GAFAM, la mode, les politiques culturelles… : tous les aspects de la société y contribuent. Nous sommes cernés par cette mentalité.
Et dès lors que nous accédons à la richesse (ou du moins l’aisance, c’est-à-dire, lorsqu’on arrive à joindre les deux bouts sans difficulté), il ne nous est jamais permis de baisser la garde, tout en cherchant, par la même occasion chaque opportunité pour "en profiter", "se faire plaisir". Il faut porter le masque, maintenir le statut, prouver encore et encore qu'on est à la hauteur, et courir après les petits bonheurs : sorties, cadeaux, fêtes, voyages, collections en tous genres.
Tout concourt à nous faire participer à un jeu, à une course avec - et à la fois contre - tout le monde, dont l'objectif est de paraître : beau, heureux, brillant, riche, voire influent, et le rester - dans le but réel d'être accepté, intégré. Nous vivons dans une société où les marqueurs de la vie sociale sont orientés sur la rivalité et la compétition ; ce qui mène au paradoxe, que, pour se faire accepter, voire aimer, il faut être mieux que les autres. Ceux qui y arrivent le mieux sont en apparence les mieux intégrés, mais pas toujours appréciés, et les autres, la toute grande majorité, n'auront de cesse de toujours continuer à chercher une meilleure place.
Et bien sûr, ceux qui peuvent satisfaire leurs envies de cette manière y ont du plaisir, mais ce n'est pas sûr qu'ils y trouvent du sens, et donc encore moins sûr que cela participe à leur véritable bonheur.
Et pour échapper à cela il faut, soit faire partie d’un milieu très privilégié (non pas au niveau économique, mais au niveau de la conscience) pour pouvoir décaler notre regard sur le monde. Ou alors il faut être frappé de plein fouet par une catastrophe (personnelle ou plus large) pour que nos repères soient suffisamment secoués, et que cela permette également de décaler le regard.
A ce titre, la situation de confinement, une fois encore, a pu avoir un rôle constructif pour une partie de la population. Elle a permis pour beaucoup de prendre du recul par rapport à ces marqueurs sociaux. Non seulement nous sommes capables de vivre sans eux, et même de vivre heureux. Mais en plus, le confinement a permis, pour de nombreuses personnes, de retrouver une liberté d'être, une liberté de se comporter, une liberté de gérer son temps, ses loisirs, ses limites, et de retrouver nettement plus de sérénité. La pression sociale s'est pour quelques semaines pratiquement éteinte et nous n'étions plus obligés de garder la façade, le statut que nous avons coutume d'exposer.
Mais ce ne sont pas que les aspects matérialistes qui nous sont dictés de toutes parts, ce sont également tous les modèles de rapports sociaux qui nous sont proposés dans les médias de loisir (télévision, cinéma grand public, littérature (y compris la BD), jeux vidéos). La télévision en particulier nous inonde au quotidien via les films et séries, la télé-réalité, les émissions de jeux, de sports, impliquant la compétition, la rivalité, la manipulation, les intrigues, la violence, ...
Ces médias nous font baigner dans un monde très rarement exemplaire. Par ce qu’ils nous transmettent, ils nous éduquent et nous conditionnent à une mentalité où le pouvoir de la richesse, de la violence et des rapports de force sont maîtres. Et ainsi, ils nous attachent aux aspects les plus destructeurs de nos fonctionnements collectifs. Voilà la direction que nous donnons à nos pensées pendant nos temps de loisir.
Et c’est sans compter le JT quotidien. Imaginez l’effet dévastateur de toutes les informations négatives qui sont déversées à des milliards d'individus, nous abreuvant chaque jour, une demie heure durant, de violences, de morts, de guerres, de crimes, de conflits en tous genres, et de toutes les nouvelles négatives possibles et imaginables (les vraies bonnes nouvelles restant largement minoritaires, voire. même exceptionnelles).
Et ce n'est pas parce que nous condamnons ce que nous voyons que cela ne nous influence pas. Nous verrons cela dans le chapitre qui concerne les neurones miroir.
La télé ayant bien préparé nos cerveaux, les réseaux sociaux n'ont plus qu'à récolter les résultats et même les exploiter encore plus avant via l'addiction à les utiliser, les algorithmes, la déshumanisation de la communication virtuelle, la personnalisation de la publicité, l'exploitation de nos données personnelles, et cela, sans modération.
iii Rapport de force dans le cadre professionnel
L’environnement professionnel n’est pas en reste non plus en ce qui concerne l’utilisation systématique des rapports de force.
Dans les entreprises privées de taille moyenne ou en dessous, c'est la concurrence et la loi du profit qui s'imposent la plupart du temps. Selon la santé financière de la firme ou du commerce, et selon les valeurs éthiques et le caractère des dirigeants, on peut se retrouver dans le meilleur comme dans le pire des mondes. Et assez souvent plus loin du meilleur.
Et dans ce cadre, le rapport de force peut y être directement pratiqué par la menace du siège éjectable. La fidélisation à un poste est plus rare que dans les emplois dans les services publics. Et pour garder son emploi, dans pas mal de cas, il faut faire mieux que les collègues, et cela jusqu'au burn-out si nécessaire. Cependant le fait que l'entreprise reste à taille humaine, peut permettre de maintenir un lien plus cordial entre les niveaux de hiérarchie et dans ce cas, épargner ces dérives. Aucune généralisation n'est possible.
A l'inverse, dans les grandes organisations et institutions, le rapport de force se manifeste différemment car celles-ci sont régies par une collectivité anonyme, par des lois, des règles, qui sont en grande partie dépourvues de tout aspect humain, et impliquent une autorité, une hiérarchie, mais qui cette fois est dépersonnifiée. C'est dans ces tentacules administratives que peuvent le mieux se développer : le Principe de Peters (la montée en hiérarchie jusqu'à atteindre le niveau d'incompétence), les abus, le harcèlement, la corruption et les magouilles, ainsi que les bullshit jobs, etc. C'est dans ces milieux où l'on trouve plus qu'ailleurs de l'incompétence, des travaux inutiles, des dysfonctionnements. Parce qu'on est sensé suivre la hiérarchie et les règles en surface, mais que la volonté n'y est pas toujours, que les grades et emplois et salaires sont fixés et protégés et que nombreux sont ceux qui tentent de profiter de la plus grosse part du gâteau en donnant le moins d'efforts possible.
Ces aspects se retrouvent beaucoup aussi dans les toutes grosses entreprises, lorsque leur taille les fait ressembler pour partie à de grosses institutions, telles que les banques, la poste, les entreprises de transport public, de télécommunication, les assurances, les partis et les syndicats, et mêmes certaines multinationales où la dissolution des responsabilités est telle qu'il devient parfois possible que chaque employé finisse par y travailler comme un fonctionnaire dans une administration.
Le travail pleinement coopératif y est plus rare. On se retrouve davantage face à des attitudes de "chacun pour soi" ; ce qui réduit les opportunités de voir se manifester l'intelligence collective et la créativité.
iv Rapports de force et monde virtuel – école de narcissisme
La communication virtuelle et en particulier celle via les réseaux sociaux accentue encore davantage la compétitivité, la course au statut et les surenchères, puisque c'est la façade (le mur) qui nous représente, et le nombre d'abonnés et de pouces levés qui révèle notre statut.
Et d'autre part, plus nos relations se passent dans le monde virtuel, moins elles sont empreintes d'empathie, et plus elles sont marquées par le matérialisme. En ce sens que, caché derrière un écran, et sans conscience réelle que les interlocuteurs sont des personnes humaines, on se retrouve à communiquer avec des anonymes, ou du moins, des gens que nous ne connaissons pas dans la vie réelle. Et les aspects de compétitivité, de rivalité, de tournoi, de duels, sont très prégnants dans les relations virtuelles, car on s’y comporte comme dans un jeu vidéo. Tout est permis, et le but est de rester visible, de gagner, d’avoir le plus de pouces levés, de faire le buzz.
Le langage lui-même est souvent contaminé par cette mentalité. Dans les emails, les règles de base de la politesse s’estompent. On ne salue plus, ne remercie pas. On s’épargne même parfois de faire des phrases. Et il n’est pas rare que l’on montre un tel manque d’empathie au point de se permettre d’envoyer personnellement, ou même à toute une mailing liste (la plus longue possible), un lien que l’on trouve intéressant ou important, sans même introduire le sujet, sans donner une motivation à l’ouvrir. Car on considère que le fait que ce soit soi qui l’envoie, est une référence suffisante pour qu’on nous fasse confiance et que la curiosité soit au rendez-vous.
L’utilisation du mobile peut avoir exactement le même effet. On perd conscience qu’il y a des personnes autour de soi et on leur impose une conversation, sans aucune modération.
En ce sens, la participation à la vie virtuelle exacerbe certains aspects inconscients de nos personnalité, et en particulier un aspect de toute puissance, une forme de narcissisme.
v Rapport de force et voiture
En Europe, aux États-Unis, et dans la plupart des autres contrées les plus riches, une partie importante de la population adulte et des familles, ont une voiture.
« La voiture c'est la liberté." »
En effet, et elle donne aussi un sacré pouvoir. Elle permet d'avoir le monde à ses pieds ; et dans la foulée : de polluer l'air, de réchauffer le climat, de raréfier les ressources, de produire des déchets, et de créer énormément d'autres destructions sur la planète en fonction de l'infrastructure routière et des facilités offertes aux conducteurs.
La liberté qu'offre la voiture est une sorte de piège. Elle représente bien plus qu'un moyen de transport pour aller travailler ou conduire les enfants à l'école. Avoir une voiture, cela nous fait décoller de la réalité. Tout comme la possibilité de prendre l'avion pour se rendre partout dans le monde. L'accessibilité à presque tous les lieux de manière quasi instantanée quand bon nous semble, nous fait perdre la notion des distances. Nous partons coloniser tous les lieux. Le monde est devenu notre jardin.
Avec la voiture, nous encombrons le réseau routier aux heures de pointe, nous encombrons les places de parking le reste du temps, nous nous permettons tous nos caprices pour aller consommer, aller visiter, aller faire la fête, voire voyager. La voiture est l'accessoire, par excellence, des plus riches. Ils la considèrent comme un dû. C'est elle aussi qui reflétera le mieux notre statut.
Comme la voiture permet de transporter presque tout, elle facilite dès lors nos dépenses et nos accumulations.
Dans une société où tout le monde n'a pas une voiture, ce sont ceux qui en possèdent une (voire plusieurs) qui ont le plus de pouvoir. Ce sont les mêmes qui se permettent d'acheter leur maison hors des villes, voire d'acheter la seconde résidence. Ils ont en général un jardin, organisent des barbecues entre amis ayant des voitures, partent en weekend pour se faire plaisir, sortent le soir jusqu'aux petites heures. Pour eux cela est une évidence.
Seulement pour eux.
Toutes ces activités ne sont pas vraiment possibles pour les gens qui n'ont pas de voiture, ou en tout cas pas avec autant de facilités à se déplacer de manière improvisée et instantanée. Les gens avec et sans voiture, appartiennent en quelque sorte à des castes différentes. Ce n'est d'ailleurs plus tout à fait le cas, car bon nombre de jeunes n'envisagent plus l'achat d'une voiture, même lorsqu'ils vivent en famille. Et cela exige une toute autre organisation de vie.
Et il est à remarquer que dans une frange encore assez importante de la classe moyenne supérieure et des plus riches, le cap des 18 ans reste une étape importante. Ce n’est pas tant de devenir majeur qui importe, que de pouvoir enfin passer le permis, avoir une voiture, et posséder le monde. Un peu comme si, sans voiture, on reste un peu enfant, on n’est pas totalement équipé pour vivre sa vie d’humain.
Les motivations qui conduisent à l'usage d'une voiture en tant que vecteur d'une liberté totale ou qui poussent à rechercher à consommer au prix plancher, ou encore qui mènent à se procurer tous les ultra-conforts que propose la domotique, sont issues des mêmes conceptions mentales que celles qui aboutissent aux comportements colonial et dominant. On a simplement remplacé l'asservissement humain direct, par de la technologie, et indirectement, par de l'asservissement humain aux quatre coins de la planète et/ou, par de l'exploitation destructrice des ressources et de l'environnement.
Ne pas avoir de voiture exige une nettement plus grande adaptation, dans l'emploi du temps, dans le choix des activités, et dans le choix des possessions. Cela exige nettement plus de souplesse, de respect envers autrui et envers l'environnement, et cela implique de se soumettre aux dominants ayant une voiture. Cela permet dès lors de retrouver une forme d'humilité.
Table des matières
PREMIÈRE PARTIE : POSER LE PROBLÈME – QUE SE CACHE-T-IL DERRIÈRE LES MOTS DE L'ARGENT ET DU PROFIT
B) RICHESSE ET PAUVRETÉ FONCTIONNENT PAR VASES COMMUNICANTS DE MANIÈRE SYSTÉMIQUE
C) L'ARGENT - LES RÔLES INDIRECTS ET DÉTOURNÉS QUI LUI SONT ATTRIBUÉS
1. Moyen de subsistance, et bien au-delà
2. La reconnaissance et son exploitation commerciale
3. L'argent n’est pas neutre – pouvoir et autres dérives
D) LE CONCEPT DE PROFIT ET LES VALEURS QUE CELA SOUS-TEND
1. Profit équitable ou profit abusif
2. L'indécence des dividendes - quelques données chiffrées
E) LES CONSÉQUENCES DU PROFIT ET DES RÔLES INDIRECTS DE L'ARGENT
1. Les conséquences matérielles de l'appât du gain
a - les dérives dans l'industrie : quand la fin justifie tous les moyens
b - Répartition inéquitable de l'argent - Les écarts de richesses
2. la classe la plus riche, de loin la plus destructrice
F) LES CONSÉQUENCES DE L’APPÂT DU GAIN SUR LES MENTALITÉS
2. L’argent corrompt et pervertit
3. La course pour grimper vers plus de richesses
4. La complaisance des consommateurs
G) LES CROYANCES IMPLICITES CONCERNANT L'ARGENT
1. L'argent doit être une ressource limitée
2. Il faut travailler pour gagner sa vie
3. Les gens riches sont plus heureux
4. La richesse se mérite, donc implicitement la pauvreté aussi
5. Il faut travailler dur pour bien gagner sa vie
7. L'augmentation du coût de la vie, l'inflation, la dévaluation de la monnaie
8. Être riche ne nuit à personne
9. En économie, ce qui est légal est moral
10. L'économie c'est une science, complexe - il faut se fier aux experts
11. Ce sont les politiques qui détiennent le pouvoir
12. La croissance est bonne pour l'économie
a - Effet logarithmique de la croissance
b - Empreinte écologique et jour du dépassement
H) LES PRINCIPAUX VÉHICULES DE LA CULTURE DU PROFIT
2. Les médias de l’information
4. Les médias du divertissement et en particulier, la télévision
B) LES ALTERNATIVES QUI RESTENT A LA MARGE
1. Nous ne sommes pas encore prêts
2. Les solutions font encore partie du problème
C) ABANDONNER NOS CROYANCES SUR LA CROISSANCE, ET BOULEVERSER LA LOGIQUE DE L'EMPLOI
D) DÉCOUPLER TRAVAIL ET ARGENT - L'ALLOCATION UNIVERSELLE
1. Moins de travail à pourvoir
2. Créer la motivation à travailler
4. Financement de l'allocation universelle
5. L'allocation universelle donnerait du pouvoir à ceux qui actuellement n'y ont aucunement accès
E) DÉCOUPLER L'ARGENT DE LA RECHERCHE DE PROFIT
1. Créer une économie qui n'est plus régie par l'argent
- Le rôle des initiatives citoyennes
2. Une seule initiative et l'effet boule de neige
3. Construction de la nouvelle tour
4. Quelques exemples de changements concrets à venir dans la société
a - La démocratie participative
e - Les entreprises démocratiques se multiplieront, voire se généraliseront
F) DIMINUTION DU RÔLE DE L'ARGENT
2. Le vrai rôle que devrait avoir l'argent
a - Réduire l'utilisation et le rôle de l'argent
b - Apprendre à échanger sans compter
c - La diminution de l'importance de l'argent dans nos vies
TROISIÈME PARTIE : LE CONTEXTE DU CHANGEMENT
B) AMENER LE VIRAGE POLITIQUE VIA LES MOUVEMENTS CITOYENS
C) BALANCE A PLATEAU : ALLER VERS L'ALTERNATIVE
D) NOS PETITS PAS INDIVIDUELS SONT CAPABLES DE GÉNÉRER DE GRANDES MARRÉES CITOYENNES
E) PROFILS DE CITOYENS : LES CONDITIONS POUR CHANGER
QUATRIÈME PARTIE : LE CHANGEMENT DU NIVEAU DE CONSCIENCE
1. Qui est en premier concerné
2. De quel changement individuel parle-t-on : tout d’abord, dans le concret
a - La responsabilité d’agir même si on est seul à le faire
b - Et si la notion de goutte d'eau dans l'océan s'avérait totalement fausse ?
c - Cesser de leur donner du pouvoir
d - Liberté - autonomie - solidarité
b - Conscience et technologies
c - Conscience et solutions nouvelles
d - Dénouer les nœuds qui sont dans nos têtes
e - Changer la couleur de nos lunettes : changer notre mode de pensée
f - Bousculer l'édifice de nos croyances
g - Saut d'évolution de l'humanité
4. Dépasser les freins au changement :
a - Sous hypnose : nos doutes, notre passivité, notre conformisme, notre lâcheté
c - La difficulté d'aller à contre courant – la soumission à l’autorité de Milgram
d - Mettre des mots sur ce qui est implicite afin d’en éviter les incohérences
e - Quitter notre mentalité va nous faire peur
f - Le choix du pessimisme sous prétexte de réalisme
A) QUAND NOS SOLUTIONS MAINTIENNENT LE PROBLÈME TOUT EN LE RENDANT MOINS VISIBLE
B) PRIVILÉGIER LES RAISONS DU CŒUR AU RAISONNEMENT CARTÉSIEN
4. Notre recours à la rationalité nous mène souvent en bateau : une atèle sur une jambe de bois
5. Une solution qui ne porte pas - toute rationnelle qu'elle puisse être - n'est pas une solution
8. Notre incapacité à gérer correctement nos découvertes et inventions scientifiques
9. De nouvelles références pour guider nos choix
a - En quoi consiste le rapport de force ?
b - Lâcher le rapport de force
c - Nous fonctionnons dans le rapport de force comme nous respirons
d - Les enjeux du rapport de force ou de son absence
e - La violence n'est jamais loin du rapport de force, la non-violence non plus
f - Comment les rapports de force imprègnent toutes nos conceptions
i La mentalité basée sur le rapport de force
ii Notre incapacité à envisager les conflits en dehors du rapport de force
iii Une société de dominants et de dominés : le rapport de force est partout
vi rapport de force et confiance en soi
vii rapport de force et libre arbitre
g - Comment les rapports de force définissent notre vie sociale et nos dépenses
ii Les sphères d’influence sociales, culturelles et commerciales
iii Rapport de force dans le cadre professionnel
iv Rapports de force et monde virtuel – école de narcissisme
vi Rapports de force, consommation, et recherche de profit sont foncièrement et intrinsèquement liés
- les comportements de compétition
- les comportements d'exigence
- les comportements de défense de nos privilèges
vii quitter le rapport de force mène à se désintéresser des richesses et de la consommation
h - Rapport de force à l'échelle collective
3. Connaissance de soi : notre part d'ombre
b - Rapport de force versus empathie - les deux facettes de l'être humain d'aujourd'hui
i Ambivalence des comportements
- l'attitude face aux inconnus
- l'attitude face à l'entourage
- Un interrupteur dans la tête et l'apprentissage de stratégies pour y remédier
iv découvrir les effets de l'interrupteur
v apprendre à gérer l'interrupteur
vi la gestion de l'interrupteur sur la durée
vii Accepter notre part d'ombre c'est accepter celle des autres
c - Le capitalisme exploite notre part d'ombre
d - La part d'ombre et le rôle des citoyens en transition
e - La part d'ombre et le rôle des crises
f - Facteurs favorisant ou non la propension à utiliser le rapport de force
h - Evolution personnelle et déni de réalité
i Fuir totalement l'actualité nous fait perdre contact avec la réalité
ii Quand utiliser la loi de l'attraction devient magique
iii Évoluer dans un monde de bisounours
4. Quitter le rapport de force - accueillir notre part d'ombre via un réel travail psychologique
a - L'étape incontournable : commencer par reconnaître notre part d’ombre
b - Part d’ombre et rapport de force
d - Les attitudes mentales à privilégier
iii Faire évoluer les demandes et propositions en traversant les échecs, en apprenant de nos erreurs
e - Se mettre dans la bonne disposition d'esprit
iv Exploiter l’émotion sans agir sous son emprise
v Une forme de connaissance de soi
vii La présence de doutes dans la confiance
viii Le respect et la bienveillance absolue
f - Quand le rapport de force s’éloigne, l’empathie et la solidarité peuvent apparaître
i - Notre part d'ombre est notre alliée
j - La différence entre la compréhension et la conscience
k - Pour prendre de la perspective
SIXIÈME PARTIE : LES FACTEURS D'INFLUENCE DU CHANGEMENT
2. Conscientiser, chercher à influencer : c'est se tromper
3. La réelle influence s'opère loin des discours
4. Notre rôle de colibri et son effet boule de neige
5. L’influence des médias de l’information
7. L’éducation et l’enseignement – y compris le rôle qu’y joue le web
9. Catalyseurs d’un autre genre
d - La contagion de l'altruisme
e - Les champs morphiques (ou morphogénétiques)
f - La transmission de toutes nos pensées et émotions
VERS UNE UTOPIE NON DÉCONNECTÉE DE LA RÉALITÉ
- Un dernier petit coup de pouce
ANNEXE Un détour par la théorie polyvagale
ICI COMMENCE LE DEUXIÈME VOLET DE CE LIVRE