SE CHANGER SOI
POUR CHANGER LE MONDE
Résumé de l'article-dossier de Craig Hamilton,
paru dans la revue Eveil & Evolution 1e trimestre 2006,
© EnlightenNext Publications,
intitulé: « Le mystère de l'intelligence collective
»
« Dans le groupe, j'ai ressenti une forme de conscience qui était comme unique et commune à tous, on ne s'occupait plus des personnalités et on perdait le sens du conflit. Personne ne s'opposait à qui que ce soit, tous les participants s'aidaient les uns les autres. Il est devenu évident qu'on ne réagissait plus aux personnalités individuelles, on répondait à quelque chose de bien plus profond et de bien plus réel en chacun de nous, qui était collectif, quelque chose que nous partagions - le commun des hommes, à vrai dire. Il y avait une écoute et une attention extraordinaires, plus vastes que ce que j'avais jamais connu. Et dans cette expérience, nous avons ressenti qu'il n'y avait qu'un seul corps dans la pièce. » Jane Metcalfe, Londres
On l'appelle intelligence ou sagesse collective. Elle apparaît dans certaines circonstances au sein de groupes rassemblés pour un objectif positif constructif, lorsqu'une certaine cohésion est présente, et que chacun laisse à l'extérieur ses préoccupations et intérêts personnels, pour se rendre disponible au travail collectif.
De plus en plus de gens ont l'occasion de vivre cela.
Comment peut-on expliquer le phénomène?
Voici ce que décrivent certains participants :
« ...les entendements individuels se rejoignent en un agrégat,
se combinent et forment un cerveau collectif, une sorte d'entité
nouvelle avec ses propres caractéristiques particulières.
»
« ... le fait de nous rencontrer dans un état réceptif nous rend simplement disponibles à une conscience collective plus profonde et préexistante. »
Les mots « conscience », « cerveau », « sagesse », « intelligence », « union », décrivent ce que ressentent les participants au niveau du groupe. Chacun a accès à quelque chose de nouveau qui ne correspond pas à son potentiel propre ou à celui de chacun des individus du groupe. Il s'agit d'un savoir, d'un autre regard sur ce qui concerne le groupe. Et cette intelligence, une fois engendrée semble continuer sa vie propre.
Une sorte d'intuition de groupe se développe alors, un niveau supérieur d'ordre apparaît, une forme de sagesse émerge. Le résultat de l'effort du groupe, dépasse de loin la somme de ce dont chacun est potentiellement capable de donner et de ce qu'on a l'habitude de rencontrer.
Au niveau du groupe, l'évolution va dans le sens de décisions plus rapides, de capacité à faire appel à l'intuition et l'accès à une pensée originale menant à des solutions nouvelles. Il y a aussi une faculté à réfléchir la globalité dans une compréhension partagée. Les actions et choix des individus, en rapport avec leur implication au groupe, que ce soit à l'intérieur ou hors de celui-ci, sont fonction de leur propre façon de voir les choses, mais aussi en rapport avec le fonctionnement du groupe.
Ce phénomène peut se présenter dans tous les types de groupes et quels que soient leurs objectifs.
Des soldats ayant participé à des formation de combat, des équipes sportives, des groupes de thérapie, des conseils d'administration, des équipes de sauvetage, des escadrilles aériennes, des orchestres ou autres groupes de spectacles, des assemblées religieuses. Dans tous ces domaines, on rend compte d'expériences similaires, où le groupe permet d'atteindre un niveau de coordination, d'efficacité et d'harmonie exceptionnel.
Conditions et caractéristiques
Certaines conditions doivent être réunies.
La principale est que l'intention du groupe doit être forte, et partagée par chacun des participants.
Ensuite, il est nécessaire que chacun ait de l'intérêt pour le groupe et ses objectifs.
Chacun doit se sentir en confiance et être réceptif, sans a priori face à la participation des autres.
Il est nécessaire de mettre de côté les préoccupations et intérêts personnels, d'être à l'écoute de chacun, avec une attention importante égale pour tous, un respect de l'autre qui permet de faire tomber les barrières sociales, d'honorer la diversité et créer ainsi un espace de sécurité où la vulnérabilité peut être exprimée librement.
Si chacun fait preuve de réelle authenticité et reste focalisé sur l'être essentiel de chacun des autres, dans un but plus élevé que soi-même, alors la réalisation de potentialités inattendues voit le jour.
Les participants se rendent tous compte du phénomène dont le groupe bénéficie, et c'est d'autant plus motivant. Non seulement cela permet d'augmenter la qualité ou le niveau du travail du groupe, mais cela améliore tant l'évolution du groupe que celle de chacun de ses participants.
Une caractéristique fondamentale de ces groupes de travail est l'auto-organisation (non dépendance à une hiérarchie extérieure).
Une dimension supplémentaire à ce phénomène,
est qu'il peut se reproduire avec la même qualité de résultats
avec des groupes différents, se réunissant successivement
pour un objectif commun. Les participants des différents groupes
partent des résultats obtenus par leurs prédécesseurs,
et continuent tout simplement le travail avec la même qualité,
tel que dans les témoignages suivants : « C'était
presque comme si les mêmes personnes s'étaient rencontrées
mois après mois alors qu'il n'y avait absolument aucune interaction
entre les membres des différents groupes. » « Chaque
groupe successif semblait reprendre là où le précédent
s'était arrêté, faisant avancer l'investigation. »
Ou encore : « Chaque nouveau rassemblement de trois jours semblait
commencer là où le dernier s'était achevé,
bien que chaque atelier fût abordé par un groupe de participants
entièrement nouveau. »
Evolution du phénomène, et sa généralisation possible
Il semblerait qu'actuellement le phénomène se rencontre de plus en plus fréquemment, et cela, quel que soit le lieu géographique. Le plus étonnant serait que cela se produise également dans les groupes professionnels d'entreprises commerciales alors qu'on s'attendrait à ne le rencontrer que dans les milieux plutôt artistiques, religieux, ou encore là où la solidarité et l'entente sont choses courantes.
La possible expansion du phénomène pourrait fort bien s'expliquer au regard de la théorie des champs morphiques proposée par Rupert Sheldrake. (voir l'article : « Du centième singe aux champs morphiques – de la légende à l'hypothèse scientifique »)
Selon cette théorie, « un champ collectif, une fois créé, devrait commencer à avoir un impact sur d'autres groupes engagés dans une activité similaire quelque part dans le monde. » « Il devient plus facile pour d'autres, même éloignés géographiquement des premiers, d'accéder à cette même connaissance ou à ces capacités. »
Pour ceux qui n'ont pas vécu le phénomène, cela peut provoquer certaines réticences. Tout d'abord la crainte de perdre son individualité, son autonomie par rapport au groupe, et se trouver noyé dans la dynamique. Et en second lieu, la crainte des dérives destructrices qu'on a coutume de connaître dans les groupes.
En ce qui concerne l'autonomie individuelle, Les personnes qui étudient le phénomène relativisent déjà l'origine de la peur. Selon Gregory Bateson : « Bien que nous nous percevions comme des penseurs indépendants, il est rare, voire exceptionnel, qu'une pensée vraiment indépendante nous traverse l'esprit. » « Notre pensée, au niveau le plus profond, est conditionnée par le discours de notre environnement social. » Chris Bache ajoute : « Si l'individualité est un fait extrêmement précieux et extraordinairement important du point de vue de l'évolution, on observe, en examinant de plus près de quoi est faite cette individualité, que c'est un système ouvert qui reflète l'histoire culturelle et psychologique de l'ensemble de l'espèce. »
Selon Craig Hamilton : « Notre peur de perdre notre indépendance est un leurre qui nous fourvoie dans une mauvaise direction. La question n'est pas tant de savoir si c'est une bonne chose ou non de faire partie d'un cerveau collectif. Si les observations mentionnées plus haut son justes, alors d'une façon ou d'une autre, nous faisons tous déjà partie d'un cerveau ou esprit collectif, pour le meilleur comme pour le pire. »
Selon Tom Callanan : « La conscience collective existe déjà, et nos consciences individuelles sont des nodules qui en émergent ça et là telles de petites îles. Nous imaginons que nous sommes séparés, alors nous tentons de construire des ponts entre nos îles, mais en communiquant, on se coule au niveau de la conscience collective où nous sommes déjà connectés. Nous n'avons pas besoin de ponts. »
Otto Scharmer explique que « les participants attestent que ce mode de fonctionnement de groupe connecte l'individu à son potentiel d'avenir le plus élevé. » Selon lui « l'autonomie et l'individualité, au lieu d'être censurées, sont en fait renforcées par la participation au groupe. »
D'autre part, les dérives connues dans certaines actions de groupe que craignent certains sont en fait à l'antipode de ce qui se produit.
En effet, la vie de groupe dans de telles circonstances est en réalité très différente des expériences connues de phénomènes de groupe avec leurs dérives destructrices.
Le risque de dérive paraît dès lors exclus.
La sagesse collective représente une puissante force de changement. Elle a la capacité de transformer tant les individus que les groupes.
Le groupe porte les individus au point de pouvoir stimuler fortement leur évolution personnelle. Certains même, comme Otto Scharmer, vont jusqu'à dire que : « ....maintenant, la première et la plus accessible des entrées menant à une expérience spirituelle profonde n'est plus la méditation individuelle mais le travail de groupe.. »
Pour beaucoup d'individus, le travail collectif est un guide important.
Les études, recherches et expériences sur ce phénomène, et les perspectives dans l'avenir
David Bohm est l'un des premiers à avoir étudié ces nouveaux rapports de groupe dans les années 80s. D'autres avaient déjà décrit le phénomène, mais sans l'avoir étudié à proprement parlé.
Ces recherches furent poursuivies par d'autres dans les années 90. Les premières conclusions furent que : « Quand les gens se réunissent avec la volonté de regarder au-delà de leurs préconceptions, quelque chose de remarquable naît entre eux. »
Certains ont commencé à tenter de créer ce phénomène, en réunissant les conditions nécessaires et ont cherché à en étudier la dynamique, et en parallèle, ont cherché à rassembler les témoignages de personnes ayant participé à des expériences de groupe d'un niveau supérieur.
Ces recherches ont pris de l'ampleur et ont été etayées par d'autres études, recherches et expérimentations. Le phénomène est en tout cas de plus en plus fréquent. Et les objectifs de ces recherches sur cette sagesse collective sont de « la cultiver, la mettre en valeur, et de la diriger vers le bien de l'ensemble. »
Il semblerait que la plupart des chercheurs dans le domaine de l'intelligence ou sagesse collective, voient plus loin que l'évolution individuelle et de groupe, et envisagent des conséquences fondamentales à un niveau planétaire.
Certains projets dans ce sens ont déjà vu le jour dans les 4 coins du monde, via différentes associations et groupements. Ces mouvements d'intelligence collective travaillent dans la même direction, dans des objectifs liés à la résolution des conflits civils, ou entre pays, mais également pour le développement social, pour l'application de la démocratie, ...
D'autres visent encore plus haut en tentant de créer un réseau de leaders à un niveau mondial, dans tous les secteurs de la communauté humaine, avec l'objectif de résoudre des problèmes à un niveau mondial, tels que le sida, la malnutrition, l'eau, les changements climatiques, etc.
Et le plus étonnant, c'est que ces initiatives sont en général relativement bien accueillies par les responsables de gouvernements et des milieux d'affaire.
Pierre Teilhard de Chardin avait décrit déjà avant la moitié du XXè siècle ce que certains commencent à entrevoir et espérer pour l'avenir. Il l'avait appelé le point oméga : « ....nous marchons vers quelque nouveau point critique, en avant.....une collectivité harmonisée des consciences, équivalente à une sorte de super-conscience. La Terre non seulement se couvrant de grains de pensée par myriades, mais s'enveloppant d'une seule enveloppe pensante, jusqu'à ne plus former fonctionnellement qu'un seul vaste Grain de pensée, à l'échelle sidérale. La pluralité des réflexions individuelles se groupant et se renforçant dans l'acte d'une seule Réflexion unanime..... La paix dans la conquête, le travail dans la joie : ils nous attendent, au-delà de tout empire opposé à d'autres empires, dans une totalisation intérieure du Monde sur lui-même, - dans l'édification unanime d'un Esprit de la Terre. »
Carol Frenier définit actuellement, le but de la sagesse collective ainsi : « accoucher d'un nouvel ordre social/spirituel d'une ampleur correspondant à un véritable saut évolutif.... qui émerge déjà de sa propre force. »
Ces hypothèses mènent bien sûr à un ensemble de questionnements ouvrant à beaucoup d'espoirs, et dont notre capacité d'imagination individuelle rend actuellement impossible de pouvoir y répondre.
Résumé par Claire De Brabander